Dans une cérémonie réunissant des anciens et actuels étudiants, des nouveaux et ex-professeurs ainsi que des membres fondateurs, l’Association Alumni du Centre de Techniques, de Planification et d’Économie appliquée (AACTPEA) a lancé, le samedi 17 février 2024, à l’hôtel Karibe Convention Center, les célébrations du 40e anniversaire de la création du CTPEA.
Dans une cérémonie réunissant des anciens et actuels étudiants, des nouveaux et ex-professeurs ainsi que des membres fondateurs, l’Association Alumni du Centre de Techniques, de Planification et d’Économie appliquée (AACTPEA) a lancé, le samedi 17 février 2024, à l’hôtel Karibe Convention Center, les célébrations du 40e anniversaire de la création du CTPEA. Les différents intervenants ont retracé tout le parcours du CTPEA tout en mettant l’accent sur les grands enjeux auxquels il doit faire face à l’avenir.
Le professeur Narcisse Fièvre a été invité par le conseil d’administration de l’AACTPEA à parler de la conception et de la mise en œuvre du Projet CTPEA. Il a présenté avec un grand luxe de détails le contexte et l’histoire dudit projet en tant que témoin et acteur privilégié. Il en a profité pour rendre hommage à qui hommage est dû « dans la réalisation de cette œuvre grandiose dont les retombées positives continuent encore de se produire au niveau de la société haïtienne ». La première personne à qui il a présenté ses hommages et ses remerciements est l’ex-ministre de la Planification et de la Coopération externe, l’ingénieur Claude Weil.
Le ministre Weil, rappelle M. Fièvre, avait un rêve et une vision : créer un centre de formation qui n’a rien à envier à ce qui se fait de mieux dans le monde. Narcisse Fièvre venait tout juste de réintégrer la Direction d’Aménagement du Territoire et de Protection de l’Environnement du Ministère de la Planification au terme de ses études supérieures en sciences économiques à l’Université de Montréal. Au cours du premier trimestre de 1983, le ministre Weil l’a fait chercher pour lui confier une mission. M. Fièvre résume les propos du ministre en ces termes : « Je sais que vous êtes diplômé du CEFORS et que vous venez de terminer des études supérieures en économie. Je voudrais que le pays dispose d’une institution de formation à l’image de l’École nationale de la Statistique et de l’Administration économique en France : voulez-vous faire partie de l’équipe de travail que je veux mettre en place à cette fin? » Il a accepté volontiers la proposition du ministre Weil.
Narcisse Fièvre est diplômé du Centre de formation des statisticiens (CEFORS) en 1975 avant de partir pour une maitrise en économie à l’Université de Montréal. Il était retourné en Haïti en 1978 pour repartir effectuer des études doctorales, toujours à l’Université de Montréal, en 1980. À son retour en Haïti, le CEFORS était transformé en CEFORSI, Centre de formation des statisticiens et des informaticiens. Le CEFORS, lui, avait remplacé le Centre haïtien d’Enseignement de la Statistique et de l’Économie (CHENSE). Dans les trois cas, c’étaient des formations de deux ans.
Quelques semaines après la rencontre avec le ministre Weil, la Commission technique, chargée de préparer les documents de création de la nouvelle institution de formation, était constituée. Cette commission était composée des professeurs Narcisse Fièvre, Fresnel Germain et Philippe Rouzier (de regrettée mémoire).
La deuxième personne à recevoir les hommages de M. Fièvre est le professeur Yves Blanchard qui était directeur général du Ministère de la Planification et de la Coopération externe (MPCE) à l’époque et qui avait pris toutes les dispositions pour faciliter les travaux de la Commission technique. Il allait devenir le premier directeur général du CTPEA.
En ce qui a trait au contexte qui prévalait au moment de la création du CTPEA, Narcisse Fièvre note le fait que l’économie haïtienne commençait à subir à partir de 1981 les séquelles de la récession mondiale de 1980 à 1982. On enregistrait des résultats économiques contraires à la croissance exceptionnelle de la deuxième moitié des années 70. Les autorités commençaient à se questionner très fortement sur les effets néfastes à moyen et long terme de la très forte concentration des activités dans l’aire métropolitaine de Port-au-Prince.
Le MPCE, voulant proposer une solution pérenne, s’était fortement investi dans la préparation et la promulgation de la loi sur la régionalisation et l’aménagement du territoire de novembre 1982 qui avait consacré le découpage du pays en quatre régions de planification. La région I comprenait les départements du Nord et du Nord-Est, la région II était formée des départements du Centre, de l’Artibonite et du Nord-Ouest, la région III comptait les départements de l’Ouest et du Sud-Est et la région IV regroupait les départements du Sud et de la Grand’Anse. Ce découpage s’inspirait très fortement de la théorie des pôles de croissance de l’économiste français François Perroux, l’une des théories dominantes à l’époque.
Le MPCE avait compris que le pays devait disposer de plusieurs cohortes de cadres qualifiés en statistique, économie et planification pour répondre aux préoccupations de l’heure. C’est dans ce contexte également que la dénomination CTPEA a été proposée par la Commission technique et approuvée par le MPCE. Une fois que le décret de création du CTPEA a été publié en novembre 1983, il fallait penser d’urgence au démarrage de l’institution et le ministère avait pris toutes les dispositions en ce sens, ce qui avait permis le recrutement de la première promotion et l’ouverture du Centre en février 1984.
L’équipe opérationnelle qui a conduit ces travaux de démarrage du Projet CTPEA était composée de Narcisse Fièvre, coordonnateur a.i, Fresnel Germain, responsable du Département de Planification, de Philippe Rouzier, responsable du Département d’Économie et de l’agronome Émile Toussaint (de regrettée mémoire), secrétaire général.
Les points forts du CTPEA à ses débuts, souligne M. Narcisse, ont été la rigueur et la recherche de l’excellence. Le CTPEA disposait de son livre bleu qui décrivait le programme et les droits et devoirs des étudiants. Ces derniers étaient considérés comme des fonctionnaires stagiaires qui recevaient une bourse conséquente pour le moment et qui étaient affectés à des stages à la fin de chaque année d’études dans des institutions sur tout le territoire de la République.
Sur le plan de la dispensation de l’enseignement, la Direction avait consenti l’effort nécessaire pour recruter les meilleurs professeurs du moment en s’appuyant sur une bonne partie des anciens professeurs du CEFORS et du CEFORSI. Sans prétention d’exhaustivité, on peut citer : Prosper Jean-Charles, Raymond Gardiner, Amos Durosier, Danilia Altidor, Burel Decopain, Frantz Fortunat et de nouveaux professeurs tels Pierre Riché, Jacky Lumarque, Pierre Marie Paquiot, Lesly Déjean, Patrick Ambroise, Jean Claude Neptune, Charles Cadet, Théophile Roche, Renaud Bernardin, Yanick Damour, Yvon Guirand, Emmanuel Charles, Renan Dorélien, Marie-Josée Garnier, Michel Content et Nélio Léonard.
Il faut noter qu’à partir de 1986 le Commissariat à la Promotion nationale avait remplacé le MPCE mais que l’intérêt pour le Projet CTPEA était encore resté très fort. Narcisse Fièvre avait assuré la direction du CTPEA à partir de novembre 1988 en compagnie du professeur Charles Cadet comme responsable du Département d’économie et de l’ex-ministre Théophile Roche (de regrettée mémoire) comme responsable du Département de Planification. Le commissaire Wilner Dessources avait mis des moyens suffisants à la disposition de la nouvelle direction pour la dynamisation des activités du Centre.
Cette nouvelle équipe avait facilité la création du Centre de recherche du CTPEA sous la direction du professeur Pierre Richard Agénor avec des membres tels Rémy Montas, futur Directeur du Centre, Jean-Claude Paulvin, Sabine Malebranche, et autres. Pierre Richard Agénor est aujourd’hui une sommité en matière de la recherche en sciences économiques. Cette équipe avait également développé une coopération dynamique avec l’Université des Antilles et de la Guyane avec les missions régulières d’enseignement des professeurs Fred Célimène, Kinvi Logossah, Jean Gabriel Montauban, Eryck Edinval et Alain Maurin.
Narcisse Fièvre croit que le CTPEA demeure encore parmi les meilleures institutions de formation en statistique, économie et planification dans le pays mais le Projet reste encore inachevé, si l’on considère l’objectif de départ du ministre Weil. Il pense qu’il est opportun de travailler sur une amélioration de la gouvernance de l’Institution, un renforcement de la coopération avec les universités étrangères et le développement méthodique d’un plaidoyer auprès du gouvernement et de certains bailleurs de fonds en vue d’augmenter de manière substantielle le budget du CTPEA.
Il plaide aussi pour la mise en place d’un programme de deuxième cycle dans les domaines de formation du CTPEA avec des stages en alternance dans les secteurs public et privé du pays. En ce sens, il semble être sur la même longueur d’onde avec l’actuel Directeur général, Hosval Tristan, qui, dans son discours de circonstance, a mentionné les projets de formations de cycles supérieurs envisagées par le CTPEA. De son côté, l’ingénieur Carline Joseph Duval qui a intégré le CTPEA en l’an 2000 comme étudiante du programme de maitrise en développement urbain et régional et comme professeure en 2005, a retracé son expérience avec beaucoup d’éloquence.
Ronald Gabriel, Gouverneur de la BRH, invité d’honneur
Le gouverneur de la Banque de la République d’Haïti (BRH), Ronald Gabriel, invité d’honneur de la cérémonie, faisait partie de la deuxième promotion du CTPEA. Le comité lui a décerné une plaque d’honneur dont le symbolisme, selon lui, renvoie à une responsabilité et un engagement à représenter le Centre avec dignité, fierté et professionnalisme. Il a adressé un hommage solennel aux visionnaires qui ont créé le CTPEA et qui en ont imprimé une solide tradition de gestion de qualité. Il a pris le soin de citer l’ex-ministre Claude Veil et le professeur Narcisse Fièvre, le premier Directeur du CTPEA. Il a également nommé avec joie et respect Monsieur Toussaint, le comptable-payeur.
Source: https://www.lenouvelliste.com/article/246833/le-ctpea-celebre-ses-40-ans